L’insuffisance cardiaque se définit par l’incapacité du cœur à effectuer son travail de pompe. Il ne peut donc plus répondre aux besoins de l’organisme. Différentes causes peuvent être à l’origine de l’insuffisance cardiaque : évolution d’un infarctus du myocarde, d’une angine de poitrine, d’une hypertension artérielle (HTA), etc. Doctissimo fait le point sur le diagnostic, les traitements et l’évolution de la maladie.
1- Définition
Il y a insuffisance cardiaque quand le cœur ne peut plus effectuer correctement son travail de pompe : il n’assure plus le débit sanguin nécessaire au bon fonctionnement des tissus. Il s’ensuit:
- En aval une diminution de la vascularisation sanguine ;
- En amont un encombrement du sang dans le système veineux de retour : les voies vers le cœur sont obstruées.
2- Les symptômes
Une phase asymptomatique
Le patient, au début de la maladie, ne présente pas de symptôme, ce qui rend son diagnostic impossible. Pourtant, il est indispensable de la déceler rapidement afin d’éviter les risques de complications.
Les 4 signes principaux
Ensuite, quatre principaux symptômes, doivent alerter :
- La dyspnée (gêne respiratoire), qui est le principal symptôme : le patient éprouve des difficultés pour respirer durant les efforts (dyspnée d’effort), couché au lit (dyspnée de décubitus) ou par crises la nuit ;
- Des œdèmes : au niveau des chevilles, des jambes, des cuisses et des lombes. Au début, ces œdèmes sont blancs, mous et indolores. Lorsque le médecin appuie le doigt dessus, il se crée une cupule visible sur la peau dont on dit qu’elle garde le godet. Avec le temps, ces œdèmes deviennent permanents, durs, parfois douloureux (thrombose veineuse) ;
- Une prise de poids rapide et insolite : 2 à 3 kg en quelques jours ;
- La fatigue physique, causée par le manque d’oxygène et de nutriments apportés aux muscles. Elle s’accentue lors des efforts quotidiens, augmente la sédentarité et favorise la perte musculaire.
- D’autres signes évocateurs
- Le foie cardiaque est gros et douloureux. Les douleurs liées à l’effort sont d’apparition brutale ou au contraire plus sourdes, à type de pesanteur, de striction, au niveau du flanc droit ou au creux épigastrique et irradiant vers le dos. Cette douleur oblige le malade à s’arrêter, puis disparaît. Elle revient dès que le patient reprend son effort (marche, alimentation). Elle peut prêter à confusion avec une colique hépatique ou même une urgence chirurgicale abdominale (appendicite, etc.).
- D’autres symptômes sont présents :
- Une tachycardie (accélération du rythme cardiaque) ;
- Un bruit de galop (rythme cardiaque particulier à 3 temps évoquant le bruit du galop d’un cheval) ;
- Un souffle cardiaque doux (insuffisance valvulaire fonctionnelle) ;
- Des jugulaires (veines du cou) distendues en permanence ou plus souvent lors de la recherche du reflux hépato-jugulaire (le médecin comprime doucement la région du foie sur le malade en position demi-assise et constate une turgescence des veines jugulaires qui dure tant que dure la compression pour disparaître peu après) ;
- Un pincement de la tension artérielle (rapprochement des deux chiffres) ;
- Une cyanose (la peau prend une couleur bleutée, en raison d’une oxygénation insuffisante) ;
- Une oligurie (le malade urine peu) ;
- Une ascite (épanchement de liquide dans la cavité péritonéale) ;
Les symptômes en fonction des mécanismes impliqués
L’insuffisance cardiaque droite
Le ventricule droit, pour une raison ou une autre, n’arrive plus à éjecter le sang vers les poumons :
- Il se crée une stase (ralentissement de la circulation) qui se répercute sur toutes les structures en amont : les veines jugulaires sont turgescentes, le foie est gros et douloureux, des œdèmes apparaissent aux membres inférieurs etc. ;
- En aval, la mauvaise transfusion des poumons provoque un essoufflement (dyspnée).
L’insuffisance cardiaque gauche
En amont, le sang voit sa pression augmenter dans les capillaires des poumons, puisque l’oreillette gauche ou le ventricule gauche ne peuvent pas effectuer leur travail (poumon cardiaque). Le poumon, du fait de tout ce sang qu’il ne peut évacuer correctement par les veines pulmonaires vers l’oreillette gauche, ne peut plus effectuer normalement sa fonction de ventilation et le patient a du mal à respirer (dyspnée : respiration pénible et accélérée, d’abord à l’effort puis de façon permanente s’accentuant en position couchée).
Au bout d’un certain temps, ces capillaires vont se “muscler” pour augmenter leur pression et essayer de chasser le sang vers l’oreillette gauche. Cette réaction entraîne une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) qui va se répercuter sur le ventricule droit. En effet celui-ci doit exercer une pression de plus en plus forte pour envoyer le sang dans l’artère pulmonaire. Une insuffisance ventriculaire droite ne tarde pas alors à se manifester ;
- En aval, la diminution de la fonction de la pompe cardiaque entraîne une diminution de la vascularisation de tous les tissus et notamment du rein avec diminution de la filtration rénale et de l’élimination des urines (oligurie).
L’insuffisance cardiaque globale
Les deux processus sont souvent liés dans une insuffisance cardiaque globale.
Pour compenser sa défaillance, le cœur va essayer de réagir en accélérant son rythme et en distendant ses cavités provoquant ainsi une perte d’étanchéité des valvules. Le pouls est accéléré, irrégulier. L’auscultation fait entendre un bruit de galop (rythme à 3 temps) et un souffle systolique.
3- Causes et facteurs de risque
On distingue principalement deux situations :
- Le myocarde peut avoir perdu une partie de sa contractilité ; c’est le cas par exemple d’un défaut d’oxygénation des cellules par athérosclérose des artères coronaires ou bien d’une atteinte toxique ou inflammatoire des cellules myocardiques ;
- Les cavités cardiaques peuvent avoir perdu leur propriété de se dilater ; c’est le cas d’une fibrose réduisant l’élasticité du cœur, d’une hypertrophie du myocarde ou d’une dilatation maximale des cavités (myocardiopathies dilatées idiopathiques).
Les causes pulmonaires
Souvent, le poumon malade entrave la circulation sanguine et cette gêne se répercute en amont au niveau du cœur droit. Il peut s’agir de :
- Maladies pulmonaires chroniques provoquant un cœur pulmonaire chronique ou une IVD chronique (broncho-pneumopathies obstructives : asthme à dyspnée continue, bronchite chronique compliquée, emphysème…) ;
- Séquelles de tuberculose ;
- Silicose, pneumoconioses ;
- Fibroses (polyarthrite rhumatoïde, lupus…) ;
- Hypertension artérielle pulmonaire.
Il peut s’agir d’une cause cardiaque
- Le cœur pulmonaire aigu est le résultat d’une embolie pulmonaire chez un opéré récent, une accouchée ou un cardiaque alité souffrant de phlébite. Les symptômes sont une dyspnée aiguë, un point de côté thoracique, une angoisse, un malaise, parfois une syncope. La tachycardie, le gonflement des veines jugulaires et le foie sensible traduisent l’insuffisance ventriculaire droite brutale. Le tableau peut être plus grave : dyspnée aiguë asphyxique, collapsus, mort subite…
Dans ces cas-là, la scintigraphie, l’angiographie et l’échographie sont les examens complémentaires les plus utiles pour observer :
- Le rétrécissement de la valve mitrale ;
- D’autres cardiopathies : sténose, insuffisance tricuspide, péricardite constrictive, hyperthyroïdie…
Les causes d’une insuffisance cardiaque gauche
- Une valvulopathie décompensée (cardiopathie congénitale ou valvulopathie de rhumatisme articulaire aigu) et en cas de fièvre, le médecin craindra une endocardite d’Osler ;
- Une hypertension artérielle ;
- Une insuffisance respiratoire chronique ;
- Un infarctus du myocarde (ou une insuffisance coronarienne)… ;
- Un trouble du rythme cardiaque ;
- Une cause non cardiaque : dans certains cas en effet, le cœur est sain mais il est soumis à des conditions de travail excessives et obligé de fournir un débit sanguin trop élevé, en cas d’anémie chronique, de shunt artério-veineux (court-circuit anormal avec passage de sang des artères vers les veines), d’hyperthyroïdie, d’effort physique intense et prolongé…
Elle peut aussi se voir dans certaines maladies
- Une symphyse péricardique (séquelle) ;
- Une amylose ;
- Une hémochromatose ;
- Une myocardiopathie non obstructive ;
- Une tumeur du cœur ;
- Une maladie du collagène ;
- Une sarcoïdose ;
- Une cardiopathie nutritionnelle (alcoolisme, béribéri) ;
- Une maladie neuro-musculaire ;
- Une fibro-élastose de l’endocarde ;
- Une cardiopathie puerpérale liée à la grossesse.
Les causes d’insuffisance cardiaque globale
L’insuffisance cardiaque globale résulte le plus souvent de l’association à l’insuffisance ventriculaire gauche d’une insuffisance ventriculaire droite.
Les causes sont surtout:
- L’ischémie myocardique ;
- Les myocardiopathies ;
- La maladie mitrale.
Les symptômes associent les signes respiratoires de l’insuffisance ventriculaire gauche à la surcharge veineuse de l’insuffisance ventriculaire droite. D’autres signes s’ajoutent :
- Une insuffisance rénale : œdèmes, augmentation dans le sang de l’urée et de la créatinine, fuite de sel dans les urines ;
- Des troubles digestifs : anorexie, nausées ;
- Des troubles neurologiques : insomnie, dyspnée de Cheyne Stockes (alternance d’une respiration ample et rapide avec agitation puis ralentie avec pause et abattement).
Dans sa forme aiguë, l’insuffisance cardiaque globale réalise le choc cardiogénique redoutable: tachycardie, pâleur, sueurs, collapsus.
4- Classification internationale
L’Association cardiologique américaine de New-York (“NYHA” aux USA) a établi des critères pour chiffrer l’importance du handicap et la nature des traitements correspondant aux patients souffrant d’insuffisance cardiaque.
Pour le handicap (capacité fonctionnelle ou invalidité), le médecin distingue 4 classes :
- Classe I : pas de limitation de l’activité physique. L’activité physique habituelle n’engendre pas de fatigue exagérée, de palpitations, de dyspnée ni de douleurs angineuses ;
- Classe II : limitation modérée de l’activité physique. Absence de symptôme au repos, mais l’activité physique habituelle entraîne fatigue, palpitation, dyspnée ou douleur angineuse ;
- Classe III : limitation marquée. Absence au repos de symptômes, mais une activité physique inférieure à la normale entraîne fatigue, palpitations, dyspnée ou douleurs angineuses ;
- Classe IV : impossibilité d’effectuer toute activité physique sans gêne. Les symptômes d’insuffisance cardiaque ou d’angor existent parfois même au repos. La gêne est augmentée par toute activité physique.
L’activité physique doit être adaptée par les médecins en fonction de cette classification :
- Classe A : Pas de restriction ;
- Classe B : Elle ne doit pas être réduite mais les efforts inhabituels ou les compétitions seront évités ;
- Classe C : Elle est modérément réduite et les efforts plus violents interdits ;
- Classe D : L’effort ordinaire est notablement réduite ;
- Classe E : le patient reste au repos complet, sur une chaise ou au lit…
5- Examens et analyses complémentaires
- La radiographie thoracique de face montre un cœur augmenté de volume ;
- L’électrocardiogramme est d’un grand intérêt ;
- L’échographie est un examen fondamental ;
- L’enregistrement Holter continu de l’ECG montre la très grande fréquence des troubles du rythme ventriculaire chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque.
D’autres examens sont nécessaires en milieu spécialisé : examens hémodynamiques, cathétérisme, radiologiques (coronarographie), biologiques, histologiques, bactériologiques, parasitaires, immunologiques, etc.
6- Evolution et complications
L’évolution de l’insuffisance cardiaque chronique est grave dans l’ensemble. Les poussées sont de moins en moins sensibles au traitement. La mort peut survenir lors d’un épisode de surinfection des poumons, d’un trouble du rythme cardiaque ou d’une embolie pulmonaire.
La mort subite frappe des patients qui meurent brutalement en quelques secondes (ou minutes) alors que leur état ne semblait pas inspirer d’inquiétude particulière à court terme. Elle est liée en général à un trouble du rythme : tachycardie ventriculaire (TV) ou fibrillation ventriculaire (FV).
D’autres causes de mort subite sont possibles : infarctus aigu massif, embolie pulmonaire massive, hémorragie cérébrale cataclysmique, rupture aortique.
7- Traitement
L’hygiène de vie
Il repose d’abord sur des conseils d’hygiène de vie:
- Le repos permet de diminuer le travail cardiaque. Dans certains cas, le repos est strict au lit (infarctus récent). Plus fréquemment, c’est un repos partagé entre le lit (position demi-assise avec des oreillers) et le fauteuil afin d’éviter les stases sanguines dans les poumons et les veines qui risquent de provoquer des thromboses veineuses (phlébites, embolies pulmonaires etc.) ;
- Le patient doit remuer souvent les jambes pour activer la circulation du sang. Des bas élastiques sont conseillés en cas de gonflement des jambes ;
- En dehors des poussées, le patient peut reprendre une certaine activité à condition de s’arrêter dès le moindre essoufflement. Une bonne nuit de 8 heures, une petite sieste après le repas de midi sont très efficaces ;
- La reprise du travail est fonction des circonstances (réduction d’activité, d’horaires etc..) ;
- Il faut choisir le mode de transport le moins fatigant et le moins énervant ;
- Certains sports (marche, vélo en terrain plat) peuvent progressivement être repris en excluant toute compétition et les sports violents.
Un régime pauvre en sel
Le régime appauvri en sel doit supprimer totalement :
- Le pain et les biscottes ;
- Le lait ;
- Les charcuteries et les conserves ;
- Les poissons de mer, les crustacés, les huîtres ;
- Les fromages, les pâtisseries ;
- Les eaux minérales gazeuses ;
- Les médicaments contenant du sodium…
Sont autorisés par contre :
- Pain et biscottes sans sel ;
- Lait sans sel ;
- Moutarde sans sel ;
- Sels diététiques non sodés (lithium, potassium)…
En cas d’excès de sel une seule fois mais en grande quantité, le patient risque une crise de suffocation nocturne. Un excès en petite quantité mais souvent répété entraîne des œdèmes : la prise de 1 ou 2 kg en quelques jours traduit un écart de régime.
Une alimentation équilibrée
L’alimentation doit être équilibrée. L’obésité doit être combattue. La constipation sera soignée pour éviter les efforts violents de défécation : boissons abondantes, légumes verts et fruits seront utilisés largement.
En cas de prise de diurétiques éliminant l’eau, le sel et le potassium, le patient doit compenser la perte en potassium en mangeant des légumes et des fruits secs.
Les médicaments
- L’administration d’un ou plusieurs classes d’antihypertenseurs et des tonicardiaques comme la digitaline (Digoxine) demeurent le traitement de base de l’insuffisance cardiaque ;
- Les diurétiques.
Le dosage régulier des taux sanguins de digitaliques est un élément fondamental dans la surveillance du traitement.
D’autres médicaments sont utilisés :
- L’amiodarone (Cordarone) ;
- Les dérivés nitrés ;
- La dihydralazine ;
- Les sédatifs et anxiolytiques ;
- Le traitement anticoagulant pour éviter les thromboses veineuses surtout chez les malades alités et en cas de troubles du rythme ;
- Le vaccin contre la grippe à chaque automne ;
- L’évacuation des épanchements séreux (ponction pleurale ou d’ascite).
Le défibrillateur automatique implantable est de plus en plus utilisé dans certains cas. La transplantation cardiaque et le cœur artificiel sont les ultimes méthodes de traitement.